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Établir un lien de confiance : Comment atténuer les tensions entre les fiduciaires et les bénéficiaires

Les désaccords entre les fiduciaires et les bénéficiaires sont plus courants qu’on ne le pense.

06.20.2025 - Diane Tom

La relation entre un fiduciaire et un bénéficiaire est unique. Comme un mariage arrangé, elle relie deux personnes au moyen d’une entente reflétant les volontés d’un tiers. C’est une relation qui repose sur des obligations et des responsabilités juridiques et qui peut durer pendant bien des années.

Une part importante du travail des fiduciaires professionnels consiste à s’assurer que les bénéficiaires sont satisfaits de la façon dont leur fiducie est gérée. Nous croyons nous acquitter généralement très bien de cette tâche, mais les relations humaines étant ce qu’elles sont, des tensions surviennent parfois. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un bénéficiaire soit surpris d’apprendre l’existence d’une fiducie lorsqu’on lui présente le fiduciaire. Ça peut être un début éprouvant pour une équipe qui doit apprendre à travailler ensemble.

La relation est optimale lorsque chaque partie comprend bien les modalités de la fiducie et le rôle de chacune au sein de la fiducie. Néanmoins, comme pour toute relation soutenue, des tensions et des frictions peuvent émerger de temps à autre. Voici un aperçu de certaines tensions qui peuvent survenir et des façons de les éviter en faisant preuve de prévoyance et de compréhension et en communiquant bien avant que la fiducie ne devienne active. Ces conseils peuvent aussi alimenter votre réflexion sur le choix d’un fiduciaire ou sur la décision d’accepter ou non la demande d’un ami ou d’un proche parent d’agir à titre de fiduciaire.

Rejeter une protection non souhaitée

L’auteur d’une fiducie, qu’il s’agisse d’un membre de la famille ou d’un ami, établit généralement une fiducie parce qu’il croit qu’elle est nécessaire, ou à tout le moins souhaitable, pour protéger les intérêts du bénéficiaire. Que se passe-t-il lorsque le bénéficiaire croit le contraire? Il peut se sentir tout à fait capable de gérer les biens de la fiducie comme s’ils étaient les siens et désapprouver l’existence même de la fiducie. De toute évidence, c’est une source de tension. Un des meilleurs moyens par lequel l’auteur de la fiducie peut éviter cette rancœur consiste à expliquer personnellement au bénéficiaire pourquoi il croit que la fiducie est une bonne chose. Si ce n’est pas possible, l’auteur peut laisser une lettre destinée à être lue après son décès dans laquelle il explique, dans ses propres mots, pourquoi il a établi la fiducie.

L’une ou l’autre façon de faire représente un moyen efficace d’établir de bonnes relations entre le fiduciaire et le bénéficiaire. Les deux parties savent dès lors que le fiduciaire a un travail à accomplir et que la personne qui a accumulé la fortune et décidé d’établir la fiducie avait de bonnes intentions en le faisant.

Apprendre une nouvelle terminologie

Les testaments et les fiducies comportent une terminologie juridique complexe et les notions ont une signification très précise, ce qui peut poser problème pour les non-initiés. Par exemple, ce n’est pas tout le monde qui comprend la différence entre capital et revenu. Nombreux sont ceux qui ne savent pas que le terme « prélèvement » renvoie à un paiement à partir du capital de la fiducie dans un but précis, souvent à la discrétion du fiduciaire. La solution à cette « barrière linguistique » est souvent l’apprentissage. En effet, il incombe tant au fiduciaire qu’au bénéficiaire d’apprendre ce qu’ils doivent savoir pour exécuter leurs fonctions.

Méprise quant aux obligations du fiduciaire

Les tensions surviennent souvent parce que le bénéficiaire veut que le fiduciaire fasse quelque chose que la loi lui interdit de faire. Par exemple, le fiduciaire peut refuser un bénéficiaire qui lui demande de verser une somme importante lorsqu’il croit que cela épuiserait la fiducie et compromettrait la sécurité future d’autres bénéficiaires. Un bénéficiaire peut aussi demander des fonds à des fins qui ne sont pas autorisées en vertu des modalités de la fiducie. Par exemple, si les modalités précisent que les fonds en fiducie doivent servir uniquement à des fins d’études supérieures ou au démarrage d’une entreprise et si un bénéficiaire demande des fonds pour acheter une maison, le fiduciaire ne sera probablement pas en mesure de répondre à cette demande et des tensions pourraient survenir. Le fiduciaire est formellement tenu de respecter les modalités de la fiducie. Une communication continue et claire avec tous les bénéficiaires au sujet de l’objectif et des modalités de la fiducie peut réduire la probabilité d’un conflit lié aux demandes problématiques.

Conflits d’intérêts entre les bénéficiaires actuels et futurs

Généralement, dans les fiducies, il est précisé qu’un bénéficiaire ou un groupe de bénéficiaires ont le droit de recevoir le revenu ou le capital de la fiducie pendant une période donnée, suivant laquelle les fonds restants seront versés à de futurs bénéficiaires. Par exemple, une fiducie pourrait servir en totalité à assurer un revenu au conjoint d’une personne décédée pour le reste de sa vie. Lorsque ce conjoint décède à son tour, les fonds de la fiducie reviennent aux enfants de l’un ou l’autre des conjoints. Dans un tel cas, il y a un conflit d’intérêts logique entre le conjoint, qui pourrait avoir besoin de l’ensemble des revenus et d’une partie du capital pour soutenir son train de vie, et les enfants, qui aimeraient que leur héritage futur fructifie le plus possible. Souvent, l’auteur de la fiducie déclare explicitement que les besoins du premier bénéficiaire, comme son conjoint, ont priorité, ce qui peut aider le fiduciaire à faire des choix difficiles. Une autre façon d’atténuer cette préoccupation est d’adopter une approche équilibrée de la gestion des placements de la fiducie au fil du temps.

Désaccord sur la façon d’investir les fonds en fiducie

Le fiduciaire doit se souvenir de deux règles de base lorsqu’il investit les fonds d’une fiducie. Il doit agir « avec le soin, la compétence, la diligence et le jugement dont un investisseur prudent ferait preuve en faisant des placements »1 au moment d’investir les fonds d’une autre personne. Il doit aussi faire preuve d’équité entre les bénéficiaires actuels et futurs de la fiducie. En pratique, cela signifie que les fonds de la plupart des fiducies sont investis de manière prudente, selon une politique de placement qui établit un équilibre entre le rendement actuel et la croissance future, tout en réduisant le risque au moyen de la diversification. Les bénéficiaires de la fiducie pourraient souhaiter que les fonds de la fiducie soient investis dans des placements plus risqués qui pourraient (ou pas) générer des rendements plus élevés. Cette situation est surtout préoccupante pour les entrepreneurs prospères qui ont accumulé un important patrimoine et qui considèrent les placements fortement concentrés dans l’immobilier ou une entreprise familiale comme le meilleur moyen de faire croître le patrimoine familial.

Désaccord sur la bonne utilisation des fonds de la fiducie

Un bénéficiaire pourrait penser qu’il mérite un certain train de vie, comme faire des voyages dispendieux. Ou encore qu’il a le droit d’avoir accès à un important montant afin de l’investir dans une entreprise. Le fiduciaire pourrait être d’avis que certaines demandes sont extravagantes ou trop risquées, ou même contraires à l’intention de l’auteur de la fiducie. Parfois, une fiducie est établie expressément pour protéger les intérêts à long terme d’un bénéficiaire qui fait preuve d’insouciance à l’égard de son argent; autrement dit, pour protéger le bénéficiaire de lui-même. C’est le type de tension qui peut être le plus difficile à dissiper, car le fiduciaire croit qu’une partie de son rôle consiste à contrôler les dépenses du bénéficiaire. Et le bénéficiaire pourrait considérer ce comportement comme une intrusion dans sa vie privée. Encore une fois, pour éviter ce type de tension, l’auteur de la fiducie a tout intérêt à exprimer clairement son intention. Quant au fiduciaire et au bénéficiaire, ils doivent s’efforcer de comprendre leur point de vue respectif.

La communication est essentielle

Au cours des décennies, les fiducies ont évolué et représentent maintenant l’un des meilleurs moyens d’atteindre une multitude d’objectifs de planification successorale. Toutefois, certains aspects de la relation fiduciaire font en sorte qu’il peut être difficile pour les fiduciaires et les bénéficiaires d’être sur la même longueur d’onde. Selon notre expérience, les éléments clés du succès sont les suivants : transparence quant à la raison d’être de la fiducie, communication franche entre les parties, volonté de la part du fiduciaire et des bénéficiaires de réellement comprendre pourquoi l’auteur a établi les modalités de la fiducie comme il l’a fait, et capacité à faire des compromis, dans la mesure du possible, tout en respectant les modalités de la fiducie. C’est en gardant ces éléments fondamentaux à l’esprit que le fiduciaire et les bénéficiaires pourront entretenir une relation fructueuse et pérenne.

 

1. La norme de l’investisseur prudent est énoncée dans la Loi sur les fiduciaires de l’Ontario, L.R.O. 1990, chap. T.23, paragraphe 27(1), mais un libellé semblable existe dans d’autres lois provinciales sur les fiducies

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Diane Tom, TEP, Première vice-présidente, Services de fiducie