SERVICES DE FIDUCIES ET DE SUCCESSIONS

Comment préparer vos héritiers à recevoir un legs conséquent?

Des mesures toutes simples à prendre dès aujourd’hui pour préserver l’avenir du patrimoine familial.

06.21.2024 - Diane Tom

Combien de temps le patrimoine survit-il habituellement à la première génération?

Selon l’une des études les plus fréquemment citées, qui date des années 1980, 70 % des familles fortunées perdent leur patrimoine à la deuxième génération et 90 % à la troisième. La loi dite des trois générations (« le père construit, le fils consolide, le petit-fils dilapide) s’est vérifiée tant de fois qu’elle est souvent vue comme une fatalité.

Des recherches plus récentes montrent pourtant que l’inverse est vrai.1 « Les chercheurs se sont penchés sur les familles d’entrepreneurs plutôt que sur les entreprises individuelles, et ils ont constaté que, dans les familles qui se lancent dans une multitude d’activités d’affaires, la fortune tend à survivre génération après génération », constate le consultant James Grubman, auteur en 2011 d’un rapport sur les dernières études.

L’exemple de la famille Cargill démontre bien qu’une bonne préparation donne de bons résultats. Le conglomérat alimentaire international du même nom a été fondé en 1865 et est désormais aux mains de la quatrième génération.2

Malgré tout ce que les statistiques peuvent dire, il y a des mesures que vous pouvez prendre aujourd’hui pour que votre héritage financier ait plus de chances de survivre aux prochaines générations. Ces mesures vont au-delà de la planification successorale et de patrimoine et ne nécessitent qu’un modeste investissement en temps et en énergie de la part de vos héritiers présomptifs. Il s’agit de s’attaquer à certaines lacunes courantes sur lesquelles vous pouvez exercer un contrôle, ou, tout au moins, une certaine influence.

D’abord parler

La première chose à faire, c’est de créer une ambiance détendue, propice aux échanges.

Parlez ouvertement à vos héritiers de ce que vous allez leur laisser, racontez-leur l’histoire de votre patrimoine et expliquez-leur clairement ce que vous voudriez qu’il advienne de votre fortune.

En mettant l’accent sur ce que vous souhaitez et en évitant de formuler des exigences, vous donnerez un ton positif à la conversation et vous instillerez un esprit de collaboration qui montrera à vos héritiers qu’ils ont eux aussi leur rôle à jouer dans l’avenir financier de la famille. Encouragez-les ensuite à vous faire part de leurs propres idées sur l’utilisation de l’héritage.

Ce conseil vaut également pour les entreprises, l’immobilier et autres biens de valeur. Expliquez à la prochaine génération qu’il ne s’agit pas seulement de recevoir des actifs; ils seront les dépositaires de votre héritage professionnel et personnel. Il y aura ainsi moins de risques qu’ils dilapident la fortune familiale en spéculant, en se lançant dans des dépenses extravagantes ou en s’adonnant à d’autres vices qui ont parfois tendance à faire perdre la tête à ceux qui se retrouvent du jour au lendemain à la tête de sommes considérables.

Au besoin, rédigez une lettre à l’intention de vos enfants, de vos petits-enfants ou autres héritiers. Ce type de document, connu sous le nom de « lettre d’intention » ou de « dernières volontés » et auquel vos héritiers pourront se référer en tout temps, pourra présenter l’histoire de votre famille, exposer la mission que vous vous êtes donnée et expliquer ce qui a pu vous conduire à prendre certaines décisions dans vos documents de planification successorale. Ce ne sont pas des documents officiels, ils n’ont pas force de loi et ne sauraient remplacer un testament ni une fiducie (qui restent le meilleur moyen de décider de l’utilisation de votre patrimoine). Ils peuvent néanmoins les compléter et ajouter certains éclaircissements.

Se donner une assise financière

Nous n’avons pas tous le même degré de littératie financière. Certains héritiers sont convaincus de maîtriser les concepts financiers les plus complexes, d’autres ne possèdent même pas les notions de base et ne souhaitent pas les apprendre. Le cas de vos héritiers n’a probablement rien d’aussi extrême, mais il n’en reste pas moins important de vous faire une idée de ce qu’ils savent pour déterminer ce dont ils ont besoin.

Certains se voient comme des autodidactes et veulent prendre leurs décisions financières sans aide professionnelle ou à peu près, surtout maintenant qu’il est possible de passer ses ordres en ligne. Malgré tout ce que cette confiance en soi peut avoir d’admirable, ils risquent de surestimer leurs capacités et de faire des erreurs coûteuses, comme négocier trop souvent ou ne pas tenir compte de certains renseignements importants. Dans un tel cas, il suffira généralement de mettre votre héritier en contact avec un professionnel chevronné de la gestion de patrimoine pour l’amener à réfléchir et à tempérer un peu son arrogance.

À l’autre extrémité du spectre, il y a ceux qui préféreraient laisser à quelqu’un d’autre le soin de prendre toutes les décisions financières et qui ont donc plus de risque d’être victimes d’escroquerie ou de fraude. Ce qu’il faut, c’est aider vos héritiers à maîtriser les concepts de base, comme le budget, l’épargne, le pouvoir des rendements composés et les avantages de la diversification en matière de gestion du risque. L’important, c’est qu’ils se montrent au moins ouverts à vos conseils quand vous leur expliquerez les qualités à rechercher chez un conseiller financier et les questions à poser.

Aider vos héritiers à se trouver un but

L’expérience montre que les héritiers de troisième génération ont souvent tendance à dépenser sans compter, à avoir peu de responsabilités et à s’entourer de gens qui présentent le même profil. Il n’y a certes rien de mal à mener ce mode de vie, mais ce sont des gens qui vont souvent passer à côté du sentiment d’accomplissement que l’on peut ressentir quand on a un but dans la vie, une raison de se lever le matin. Les membres de familles fortunées sont déjà largement à risque de tomber dans la drogue et la dépression et de souffrir d’anxiété et d’autres problèmes de santé mentale. Le risque est encore amplifié s’ils n’ont pas de but dans la vie.

Que pouvez-vous faire? Encouragez vos héritiers à se trouver une passion, qu’il s’agisse de sauver la planète ou de faire carrière dans la musique. Il faudra idéalement que ce soit une passion qui les amène à côtoyer d’autres gens ; on sait en effet que les relations personnelles et professionnelles améliorent la qualité de vie, et qu’elles en prolongent également la durée. L’activité n’a pas besoin d’être à grande visibilité, d’être philanthropique ou en lien avec la carrière. L’important est qu’elle soit productive, salutaire et gratifiante.

Les choix de vos héritiers pourront vous laisser perplexe. Les priorités et les passions des plus jeunes ne sont pas celles des générations qui les ont précédés. Leur relation au patrimoine est par ailleurs très différente. Ainsi, quand vous avez commencé à accumuler de la richesse, vous avez probablement beaucoup appris de vos erreurs, sans que celles-ci vous coûtent trop cher. Vos héritiers, eux, recevront beaucoup d’argent en relativement peu de temps. Les enjeux financiers sont donc beaucoup plus élevés.

Gardez en tête que la préservation du patrimoine familial implique des responsabilités pour toutes les personnes concernées. Vos héritiers devront assumer les devoirs attachés à l’héritage; pour cela, il leur faudra peut-être éviter de pécher par excès de confiance ou apprendre l’ABC de la finance. Votre responsabilité à vous, c’est de les orienter.

Diane Tom est première vice-présidente, Services de fiducie à la Société Fiduciary Trust du Canada.

 

1. https://jamesgrubman.com/wp-content/uploads/2022/06/2022-06-There-is-no-70-rule-JGrubman-IFOJ.pdf

2. https://business.smu.edu.sg/master-wealth-management/lkcsb-community/how-beat-third-generation-curse

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Diane Tom, TEP, Première vice-présidente, Services de fiducie