COMMENTAIRE SUR LES MARCHÉS

La reprise bat son plein, mais les risques liés aux politiques commerciales persistent

Qu’il s’agisse de tensions commerciales ou d’impôts transfrontaliers, les changements de politique américains assombrissent les perspectives économiques du Canada.

06.20.2025 - Alexandra Worth

Rendement des indices mondiaux

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Titres à revenu fixe*

Comme beaucoup s’y attendaient, la Banque du Canada (BdC) a maintenu son taux directeur à 2,75 % après sa réunion du 4 juin, et la plupart des économistes prévoient toujours au moins deux réductions de taux plus tard en 2025. Les décideurs semblent vouloir faire preuve de prudence, en attendant des données plus probantes sur la croissance économique, l’inflation et les échanges commerciaux avant d’agir. Même si le PIB a progressé au rythme annualisé de 2,2 % au premier trimestre, cette vigueur est largement attribuable au fait que les entreprises ont anticipé les échéances tarifaires, masquant la faiblesse sous-jacente de la demande intérieure. Cela soulève des préoccupations quant à un ralentissement potentiel au deuxième trimestre. Les pressions inflationnistes s’intensifient dans un contexte de difficultés liées aux droits de douane, et la BdC fait maintenant face à un exercice d’équilibre délicat visant à soutenir la croissance sans compromettre son mandat lié à l’inflation. Le dollar canadien a brièvement atteint un sommet de huit mois après la pause des taux, soutenu par une inflation globale stable (attribuable en partie à la réduction de la taxe sur le carbone), mais plombé aussi par les préoccupations quant aux droits de douane et le renchérissement des produits de base. Les analystes demeurent divisés en raison des signaux économiques contrastés, mais bon nombre d’entre eux s’attendent à un ralentissement suffisant d’ici la réunion du 30 juillet pour justifier la prochaine baisse de taux.

La Réserve fédérale américaine (Fed) a maintenu ses taux directeurs dans une fourchette de 4,25 % à 4,50 % en mai, invoquant les préoccupations persistantes quant à l’inflation et l’incertitude liée aux nouvelles politiques commerciales. Les marchés anticipent des baisses de taux d’environ 50 pb d’ici la fin de l’année, mais les prévisions demeurent partagées vu la résilience des données économiques et les opinions divergentes sur les risques liés au marché de l’emploi. Même si l’inflation a ralenti en avril pour le troisième mois consécutif, ramenant l’indice global des prix à la consommation à son plus bas niveau depuis février 2021, les dirigeants de la Fed demeurent prudents, soulignant que les pressions tarifaires pourraient retarder d’autres mesures d’assouplissement.

Actions*

Le marché boursier canadien a fait preuve d’une grande résilience en mai, l’indice composé S&P/TSX s’étant fortement redressé par rapport à ses creux d’avril, soutenu par les solides gains de l’or et des métaux dans un contexte d’incertitude mondiale. Cependant, les perspectives suscitent toujours la prudence à cause de la hausse des droits de douane américains sur des exportations canadiennes clés, comme l’acier, l’aluminium et l’automobile, ainsi que de la récente augmentation du taux de chômage, passé à 6,9 %. Même si les économistes prévoient un ralentissement de la croissance et des pressions potentielles sur les bénéfices d’ici la fin de 2025, les secteurs à dividende et défensifs retiennent de plus en plus l’attention des investisseurs. La politique prudente de maintien des taux de la BdC vise à équilibrer le contrôle de l’inflation et le soutien à la croissance, mais les tensions commerciales et la faiblesse de l’économie laissent entrevoir une reprise modérée du marché et un potentiel de hausse plus élevé en 2026, lorsqu’on y verra plus clair.

Les actions américaines ont fortement rebondi en mai, l’indice S&P 500 grimpant de plus de 6 %, un pic pour le mois depuis 1997, grâce à la robustesse des bénéfices du premier trimestre, à la résilience des données sur la consommation et à la pause de 90 jours décrétée sur les nouveaux droits de douane qui a apaisé les craintes liées aux échanges commerciaux. La remontée du marché s’explique aussi par les solides résultats des sociétés d’IA comme Microsoft, Meta et Nvidia, ainsi que par l’amélioration de la confiance à l’égard des gains de productivité liés à l’intelligence artificielle. Malgré cette vigueur, les principaux indices demeurent volatils et reflètent le ralentissement de la croissance économique, les attentes élevées à l’égard de l’inflation et l’incertitude persistante à l’égard de la politique commerciale. La révision à la baisse des prévisions de croissance mondiale et américaine par l’OCDE fait ressortir les difficultés causées par la hausse des barrières commerciales. Les stratèges soulignent que le marché se négocie à un escompte estimé à 8 % par rapport à sa juste valeur, les investisseurs privilégiant la valeur et les secteurs de base, comme l’énergie.

Les actions internationales se sont bien comportées en mai, soutenues par l’atténuation des tensions commerciales et le renouvellement des mesures de relance budgétaire en Europe. L’indice MSCI EAEO a inscrit un modeste gain mensuel, dopé par la vigueur des secteurs de l’énergie et des infrastructures, après que les États-Unis ont reporté l’application des droits de douane sur les importations provenant de l’Europe. Les marchés émergents ont également enregistré de modestes gains, à commencer par la Chine, où le soutien budgétaire et la vigueur du secteur des technologies ont ravivé la confiance.

Perspectives et tendances du marché

L’apaisement récent des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et entre les États-Unis et l’UE, marqué par des réductions des droits de douane et le report des droits de douane de 50 % sur les importations provenant de l’UE, a procuré un répit temporaire aux marchés, mais les perspectives restent fragiles. Les canaux diplomatiques entre Washington, Beijing et Bruxelles demeurent tendus, et le risque de nouveaux droits de douane ou de nouvelles mesures de rétorsion continue de peser sur le commerce mondial. Ce contexte incertain favorise les secteurs défensifs, comme les services financiers, les services aux collectivités et les soins de santé, tandis que les technologies offrent une certaine stabilité. En revanche, les secteurs de la consommation et de l’industrie demeurent vulnérables aux difficultés persistantes liées au commerce international.

En plus de ces préoccupations, l’évolution de la situation budgétaire aux États-Unis a déclenché un scénario de vente généralisée des actifs libellés en dollars américains, dans un contexte d’anxiété croissante à l’égard d’un vaste projet de loi budgétaire, le One, Big, Beautiful Bill. Récemment adopté par la Chambre des représentants, le projet de loi alourdirait d’environ 3 800 milliards de dollars la dette fédérale américaine au cours de la prochaine décennie et pourrait avoir de graves conséquences pour les investisseurs canadiens. S’il est adopté sans changement par le Sénat, il ferait bondir les taux de retenue américains sur les actifs canadiens (intérêts, dividendes, gains immobiliers, etc.), certains taux augmentant annuellement pour atteindre 50 %. Même les caisses de retraite canadiennes exonérées d’impôt risquent d’être touchées. Bien que le Canada ne soit pas directement ciblé, son inclusion découle de sa taxe sur les services numériques et de sa participation à une vaste réforme fiscale internationale. Le projet de loi pourrait mettre fin à des décennies de traitement fiscal transfrontalier favorable, compliquer la vie des particuliers, des entreprises et des investisseurs institutionnels canadiens qui tirent des revenus des États-Unis, et augmenter leurs coûts. Parmi les conséquences macroéconomiques générales pourraient figurer une réduction des investissements étrangers aux États-Unis, des taux d’intérêt élevés et des pressions à la baisse sur les prix des actifs aux États-Unis. Bien que le sort du projet de loi demeure incertain en attendant l’approbation et les modifications éventuelles du Sénat, les investisseurs devraient demeurer vigilants et envisager d’examiner de façon proactive l’exposition de leur portefeuille et les répercussions fiscales au fil des événements.

Le Comité de placement de la Société Fiduciary Trust du Canada a pris la décision de transférer une petite pondération du portefeuille des liquidités aux titres à revenu fixe canadiens, compte tenu du contexte actuel des taux et du fait que les obligations peuvent servir de couverture contre la volatilité des actions. Nous continuons de surveiller de près les négociations commerciales et les indicateurs économiques et réévaluerons au besoin notre positionnement, en particulier en ce qui a trait aux actions.

* Données provenant de FactSet, au 4 juin 2025.

 

 

 

1.Mesurées par l’indice des obligations universelles FTSE Canada
2. Mesurées par l’indice composé de rendement total S&P/TSX
3. Mesurées par l’indice de rendement total S&P 500 en $ CA
4. Mesurées par l’indice de rendement total MSCI EAEO en $ CA
5. Mesurées par l’indice de rendement total MSCI Marchés émergents en $ CA

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Alexandra Worth, Gestionnaire de portefeuille associée